Le temps chrétien est un temps orienté. Il commence avec la naissance du Christ, mais ce qui lui donne son sens - sa direction et son espérance - c'est la Crucifixion. C'est elle qui fait date dans une histoire chrétienne. La crucifixion de Jésus est peut-être pour les historiens l'indice le moins incertain de l'existence de Jésus. Pourquoi inventer une histoire pareille, si scandaleuse, si incroyable, si elle n'était pas vraie ? Le christianisme d'ailleurs, ce n'est rien d'autre que cela : faire date avec de l'incroyable.
Avec Alexandre, meurt à Babylone le plus grand conquérant de l'histoire, le seul à avoir étendu un empire sur l'ensemble de l'Eurasie. Ce qui est arrivé jusqu'à nous, bien plus tard, est une vague puissante de légendes bien plus forte que l'histoire, la légende d'Alexandre. Que faire d'une histoire qui est presque indissociable de son mythe ?
Officiellement, 1492, c'est l'année de la découverte des Amériques, la fin du Moyen-Age, et le début des Temps modernes. Mais il se pourrait bien que ce pied posé par Christophe Colomb sur une plage des Antilles un jour d'octobre, occulte une histoire bien plus complexe, une histoire qui commence en Andalousie, à Grenade, et qui colore la modernité occidentale d'une teinte un peu différente.
Le 20 juin 1789, les députés du Tiers-Etat, réunis dans la salle du Jeu De Paume à Versailles, jurent ensemble de ne plus se séparer tant qu'ils n'auront pas donné de constitution à la France. Que s'est-il réellement passé ce jour-là à Versailles ? Et qui sont ces hommes qui, en se rassemblant, par leur serment, ont imposé le peuple comme corps politique et inventé la souveraineté nationale ?
« Je suis ici devant vous non pas comme un prophète mais comme votre humble serviteur » tels sont les premiers mots prononcés par Nelson Mandela à sa sortie de prison le 11 février 1990, devant les caméras, après 27 ans de captivité. L'événement est, d'emblée, de portée mondiale tant la lutte contre l'Apartheid en Afrique du Sud était devenue une cause de mobilisation universelle.
Pompéi est restée cachée au regard des hommes pendant plus de 1600 ans, jusqu'à ce jour de 1748, où l'on vint y exhumer des sculptures et des vestiges antiques pour décorer le palais du roi de Naples. Commence alors une autre histoire, celle de l'archéologie, mais aussi celle de la construction d'un imaginaire du monde romain, qui voit dans Pompéi le modèle de la cité antique. Mais ne fait-on pas fausse route en cherchant à Pompéi la conservation miraculeuse d'une cité romaine idéalisée ?
Hiroshima n'est plus un nom de lieu, mais un nom universel pour dire la peur atomique. Car la ville n'a plus d'autre histoire que celle de son anéantissement, plus d'autre mémoire qu'une frayeur à conjurer. Et dès lors se pose pour le monde entier une question propre à la modernité : comment commémorer une catastrophe ? Comment faire advenir jusqu'à nous ce qui est advenu ce jour-là ? Pour comprendre ce qui a eu lieu, il faut passer au-delà des images, ou plutôt au-delà de la guerre d'images que se sont livrés Américains et Japonais. Pour approcher le moment où l'humanité a pris conscience de la possibilité de sa propre fin.
Dans cet épisode Patrick Boucheron tente de reconstruire 1431, date présumée de la chute d'Angkor. Et c'est bien de reconstruction qu'il s'agit, car la date à laquelle ce puissant empire situé à l'emplacement du Cambodge actuel s'est éteint après 6 siècles de domination régionale est loin d'être clairement établie. Pas plus, d'ailleurs, que les causes de sa chute. Tout est incertain dans cette histoire...
Durant plus de 1000 ans, le monde romain eut la certitude du jour de la fondation de Rome. Le récit mythique, formalisé par Tite-Live, était fondé sur la lutte des jumeaux fondateurs. Mais recherches archéologiques et critiques historiques laissent aujourd’hui à penser que la ville est à la fois plus ancienne et le mythe plus récent.
Pourquoi Socrate a-t-il été condamné par la cité d’Athènes? La figure du maître à penser représentait-elle un danger pour une démocratie grecque ? Convoqué pour justifier l’autonomie des intellectuels et pour relativiser l’idéal politique athénien, le procès du « patron des philosophes » est devenu un mythe actif.
La Donation de Constantin est le plus infl uent des textes du Moyen Âge. C’est lui qui légitime le pouvoir temporel des papes ; c’est par lui que la papauté devient, au cours du Moyen Âge, une puissance territoriale. Mais sa réfutation par l’humaniste Lorenzo Valla en 1440, révèle le plus grand faux de l’histoire de l’Occident.
Au coeur de l’Asie centrale se joua au milieu du VIIIe siècle, une bataille sans vainqueurs. Cette date symbolique marque l’extension maximale vers l’est de la première islamisation de l’Eurasie, comme les rebords de l’Empire chinois des Tang vers l’ouest. Dès lors ces deux mondes vont se tenir à distance.
Louis IX meurt seul sur les rivages de la Tunisie, à Carthage. Son règne, placé sous le signe de la justice royale et de la paix de l’Eglise, se termine de manière catastrophique. Mais quelles sont les raisons qui conduisirent le roi le plus puissant d’Occident à reprendre le chemin de la croisade à l’âge de 53 ans ?
La chute de Constantinople, et donc de l’Empire byzantin, est un événement savamment mis en scène par le sultanat ottoman, déjà maître de la Turquie d’Europe et d’Orient depuis plus d’un siècle. Cette date, césure entre les périodes médiévales et modernes, est aussi un partage des espaces : désormais l’Orient et l’Occident semblent ne plus se comprendre tout en ayant irrémédiablement besoin l’un de l’autre.
Ce qui est célébré le 4 juillet n'est pas l'indépendance des États-Unis, votée par les délégués du Congrès continental de Philadelphie deux jours auparavant, mais un texte fondateur, la Déclaration d'indépendance, qui va imposer au monde une nouvelle philosophie à travers ces mots fracassants : "Il faut tenir pour une vérité d'évidence que les hommes sont créés égaux." Mais comment concilier l'universalité des Lumières avec l'exceptionnalité d'une nation libérale fondée dans la guerre civile ?
Troisième révolution française, Seconde République, première révolution européenne, 1848 n’est pas tout à fait une date, c’est un millésime. Il concerne toute l’Europe et ouvre un possible pour l’avenir. La république sera-t-elle sociale ou libérale? Quels sont les contours et les limites de la souveraineté du peuple ? …Tous les thèmes de la modernité politique sont posés.
Point culminant de la seconde guerre de l’opium opposant la Chine, à la France et au Royaume-Uni, le pillage et la destruction des palais d’été de l’empereur Qing Xianfeng constituent une scène traumatisante dans la mémoire chinoise. C’est aussi le signe de la résistance commerciale de l’immense Empire chinois au capitalisme mondial en construction.
Considérée au moment de sa découverte en 1940 comme le lieu de l’invention de l’art, la « chapelle sixtine de la préhistoire », dupliquée en fac-similé en 2016, est-elle aujourd’hui pour autant déclassée ? Si la grotte Chauvet est deux fois plus ancienne que Lascaux, cette dernière n’est-elle pas la trace d’un Moyen Âge de l’art préhistorique et humain ?
Et si Blake et Mortimer avaient eu raison dans Le Mystère de la Grande Pyramide ? Effacé de la mémoire jusqu’à sa redécouverte au milieu du xixe siècle, Akhenaton nomme pour nous la révolution religieuse qui impose de manière violente et éphémère le culte d’un dieu unique, et avec elle ce que l’on imagine être la première étincelle du monothéisme.
La défaite d’Alésia met fin à la fameuse « Guerre des Gaules » immortalisée par son vainqueur, Jules César et personnalisée sous les traits d’un impossible héros, Vercingétorix. Mais cette séquence militaire n’est en fait qu’un acte de pacification de provinces gauloises en voie de romanisation depuis deux siècles au moins.
Que s’est-il passé en l'an mil ? Rien : cette date ne correspond à aucun événement majeur. Le thème des "terreurs de l’an mil" fut en grande partie une invention de l’historiographie romantique du XIXe siècle. L’histoire ne ferait donc pas date en l’an mil ? Si, mais pas comme on le croit : c’est une date "épaisse" qui, par un jeu de basculements et de seuils, fait émerger un nouveau monde : la société féodale.
Les chroniques arabes du xive siècle bruissent d’une rumeur : un empereur noir et sa cour ont traversé les terres de l’islam pour se rendre à La Mecque. Ruisselante d’or, cette démonstration de puissance et de symboles révèle au monde musulman que la propagation de la révélation de Mahomet a bâti un arrière-monde qui est aussi la principale source d’approvisionnement des empires en or et en esclaves.
Ce jour-là, le petit roi de Kaboul, Babur, prend audacieusement au sultan de Delhi l’Inde du nord. Avec cette victoire, s’ouvre le temps de la seconde islamisation du monde qui va se propager jusqu’aux rivages de l’Indonésie. Avec Babur s’invente un pouvoir personnel, sous la forme du grand empire Moghol, qui dominera le sous-continent indien jusqu’à l’orée du XIXe siècle.
Cette bataille est considérée par les Russes comme une défaite magique car salutaire : le temps et les troupes perdus à Borodino, ont permis au tsar Alexandre de vider Moscou et de tendre à l’Empereur des français un piège psychologique et stratégique. Napoléon croit entrer vainqueur dans une capitale qui, sous ses yeux, s’embrase. Au milieu des cendres, ce dernier ne peut que contempler le signe annoncé de sa chute…
Ce jour-là, à l’appel du FLN, 20 à 30 000 Algériens de France défilent pacifiquement dans Paris. La rafle, organisée par le préfet de police Maurice Papon, est suivie de très brutales exactions et de très nombreuses disparitions. C’est la répression d’Etat la plus violente qu’ait provoquée une manifestation de rue en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Avant les attentats de 2001, le 11 septembre était associé à un autre événement global : celui du coup d’état militaire du général Pinochet au Chili, appuyé par les services secrets américains, contre le président Allende. Mais pourquoi le sort de ce petit pays a-t-il à ce point concerné l’opinion internationale de gauche ?