Bombay, Calcutta, New Delhi. Bâtir des villes pour que le pays accède à la modernité était le vœu du Premier Ministre Nehru. Originaires de ces métropoles emblématiques du développement indien, les photographes Sameer Tawde, Saibal Das et Ravi Agarwal nous invitent à les suivre, des centres historiques jusqu’aux lointaines banlieues. Ville-monde tentaculaire à Bombay, ville-vestige de l’époque britannique à Calcutta, ville dans la ville enfin, tant New Delhi aura grignoté l’ancienne Delhi. Le film raconte la césure brutale que vivent les Indiens avec leur environnement naturel et notamment les grands fleuves sacrés, hauts lieux de dévotion hindous.
Pauvreté, femmes parias, rigidité des castes : des maux récurrents en Inde, encore aujourd’hui. Pour saisir l’ampleur de la lutte, rencontre avec Sudharak Olwe, Sanjit Das et Mansi Thapliyal, deux hommes et une femme photojournalistes qui mitraillent les inégalités criantes de leur pays. Des danseuses nomades des villages du Maharashtra, aux paysans de l’Orissa dépossédés par les géants de l’aluminium, des éboueurs « intouchables » des bidonvilles de Bombay aux marchands de jute du Brahmapoutre, et jusqu’au fief yogi de Rishikesh au pied de l’Himalaya, le film sillonne entre villes et campagnes, pour mieux saisir ces inégalités indiennes inaltérables.
Qu’est-ce qu’être « Indien » ? Hier colonie britannique, aujourd’hui happée par la mondialisation, l’Inde cherche son vrai visage. Père de la photographie indienne, Raghu Rai a consacré toute son œuvre à dépeindre la diversité des paysages, des communautés et des rites qui ont fait l’Inde des cinquante dernières années. Son précieux témoignage est prolongé par le travail en bleu, noir et blanc de la photographe Uzma Mohsin. A Goa, creuset multiculturel devenu hub touristique, elle observe une mini-Inde aux prises avec une mondialisation frénétique. Depuis les contreforts de l’Himalaya, le film aborde avec Dileep Prakash le contexte colonial dans lequel s’est construite la jeune nation indienne. Son travail sur les traces du passé britannique rappelle avec force que ce pays complexe n’existera pleinement qu’en embrassant toute sa diversité ainsi que son passé.
Hier encore très communautaire, la vie des Indiens devient plus individualiste et suscite des travaux de photographes de plus en plus introspectifs – comme dans le reste du monde. Pionnier de cette nouvelle veine intimiste, Pablo Bartholomew a livré une œuvre dense, fruit de sa jeunesse à travers l’Inde libertaire des années 70 et 80. Dans son sillage, Atul Loke est devenu le grand témoin de la disparition de la vie en collectivité en photographiant depuis toujours l’immeuble de son enfance. Cette plongée dans la psyché collective indienne s’intensifie avec Sohrab Hura, auteur d’un journal intime consacré à la schizophrénie de sa mère, et qui a fait sensation dans une société où la figure maternelle reste absolument sacrée.
Ils sont devenus en un éclair les photographes stars de la mode et de l’art contemporain chinois. À Beijing, Shanghai et Hong-Kong, 3 figures de l’avant-garde visuelle saisissent devant nos yeux une Chine en pleine révolution esthétique. Des séances photo avec l’actrice fétiche Fan Bingbing aux clichés glamour de GQ China, bienvenue dans les studios où s’élaborent les futurs canons de beauté chinois.
Nuits blanches, errance amoureuse, paresse branchée : la jeune génération chinoise se cherche. Née avec la société de consommation, elle fait le grand écart entre la société d’hier, ancrée dans le collectif, et celle de demain, bien plus individualiste. Des photographes la suivent dans son intimité. Snapshots noir et blanc du collectif Bird Head dans un Shanghai festif et mélancolique ou introspection de la précoce Chen Zhe qui fait voler en éclats la sacrosainte piété filiale. Tous bataillent pour réaliser leurs rêves et vaincre leurs peurs, au cœur d’une quête identitaire inédite en Chine : la découverte de l’individu.
Les villes et les campagnes chinoises changent à une vitesse effrénée. Des rives du fleuve Jaune transformées en parc d’attractions aux tours de Canton dessinant la nouvelle Manhattan de l’Asie et aux villages montagnards du Yunnan peuplés par les dernières minorités ethniques, des photographes documentaires nous font découvrir une Chine en pleine métamorphose, tout à la fois immense chantier chaotique et vitrine d’un empire hypermoderne.
La Chine des exclus vue par des "avocats" de terrain. Pollution galopante, écarts de richesse colossaux, exode rural massif, premiers "villages du sida"… : 2 pionniers du photojournalisme, Lu Guang et Zhang Xinmin, fouillent la sombre réalité de l’hypercroissance, tandis que Liu Zheng, l’un des regards les plus forts de la photographie contemporaine chinoise, s’interroge sur les maux d’une civilisation prête à faire table rase du passé. La Chine des exclus vue par des "avocats" de terrain.
Cet épisode est consacré aux paysages russes. Les photographes se tournent vers des espaces loin des sentiers battus, où l’influence du territoire sur la mentalité et le mode de vie des gens qui y habitent, est particulièrement perceptible. Proche de la nature et des hommes, ces photographies témoignent d’un monde méconnu, entre réalité et imaginaire. Elles parviennent à saisir un état d’esprit, un état d’âme. Après les zones frontalières et inquiétantes, à la marge de la métropole moscovite avec Alexander Gronsky, nous accompagnerons Danila Tkachenko, qui nous amènera dans des villages abandonnés où il parvient à créer une atmosphère inquiétante et mystérieuse.
9000 kilomètres d’est en ouest, 3000 du nord au sud, 11 fuseaux horaires et 22 Républiques : la Russie est un pays aux mille visages. Une richesse exceptionnelle - pour le meilleur ou pour le pire. Aux contrastes ethniques et culturels, s’ajoutent des inégalités sociales paroxystiques. Misha Domozhilov explore la photographie documentaire et sportive à travers le prisme du politique. Ses photographies, au noir et blanc contrasté, témoignent du culte de la force et de la violence propre à la société russe.
Des neiges du Grand Nord au détroit de Bering, les frontières du territoire russe se confondent avec celle du continent. De nombreuses provinces russes sont très difficiles d’accès. Dans ces lieux extrêmes, l’isolement géographique s’apparente à une marginalité culturelle et sociale. Nous suivrons Elena Anosova, une photographe originaire d’un village reculé à la frontière de la Mongolie. Cette origine géographique résonne profondément avec son travail, centré sur la question de l’isolement. Ensuite, avec Oleg Klimov, nous découvrirons l’Ile de Sakhaline, à l’extrémité orientale de la Russie, symbolisant de multiples marges de la société russe. En 1890, Anton Tchékhov y passe trois mois et écrit «L’île de Sakhaline» - un reportage littéraire sur la vie des exilés où il révèle leurs conditions de vies épouvantables.
C’est souvent dans des lieux reculés que se cachent les vrais trésors de la Russie. Certains photographes partent à l’aventure, vers des contrées lointaines; d’autres fouillent au sein même de leur quotidien. Mais tous cherchent la même chose: regarder la Russie - son corps, son âme, son mythe. Les disparités d’urbanisation du territoire russe sont saisissantes: 93% de la population vit sur un tiers du territoire. Les grandes villes continuent d’attirer la population russe à la recherche de confort et de modernité. Au-delà des frontières urbaines, les âmes se font rares: dans certains endroits, la densité de population ne dépasse pas une personne au kilomètre carré. Mais c’est dans ces lieux reculés, isolés par la distance et le manque d’infrastructures, que se cachent les vrais trésors de la Russie. Loin d’une vision idyllique sans aspérité ni heurts, ici s’écrit un conte moderne à l’image de la réalité: tour à tour bizarre, fou, triste, fantasmagorique, insaisissable.