La reine Victoria d'Angleterre meurt en 1901 après un très long règne. Ce décès n'entame en rien la puissance quasi hégémonique de la Grande-Bretagne. Cependant, partout dans le monde, la science fait des avancées spectaculaires, qui imposent l'idée généreuse d'un progrès triomphant dans tous les domaines - intellectuel, politique, social, culturel, technologique. Le rêve est à l'ordre du jour ; le monde entier semble promis à l'épanouissement, à la libération politique et psychologique. A tel point que, lorsque la Grande Guerre éclate, personne ou presque n'imagine qu'elle durera plus d'un mois, et encore moins qu'elle marquera l'entrée dans une nouvelle période, pleine d'incertitude et d'angoisse.
En 1914 éclate le premier conflit mondial. La conscription, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne puis aux Etats-Unis - à partir de 1917 - va mobiliser des générations entières. Une machine d'une redoutable efficacité se met en marche. L'organisation militaire se perfectionne, les armes se modernisent, transformant les champs de bataille en laboratoires d'expérimentation. Les pertes humaines dépassent l'entendement : les morts et les blessés se comptent en millions. Tout s'achèvera dans un sentiment de lassitude et surtout d'absurdité, dont se nourriront les horreurs futures.
En 1917, lors de la révolution d'Octobre, l'anachronique Empire russe s'effondre, cédant la place à l'Union soviétique, tenue et organisée par le parti bolchevique de Lénine. Le nouveau régime suscite espoirs et admiration dans le monde entier, chez les ouvriers comme chez les intellectuels. L'arrivée de Staline au pouvoir et le déchaînement de la folie totalitaire ne suffiront pas à ouvrir les yeux des communistes occidentaux. Ceux-ci seront très désagréablement surpris par la signature du pacte germano-soviétique en 1939, mais la terrible épreuve que subira l'URSS à partir de 1941 restaurera en partie le prestige du «géant rouge».
La guerre de 1914-1918 s'achève sur un bilan cauchemardesque : neuf millions de morts. La paix mondiale succédera-t-elle à la guerre mondiale ? C'est ce que souhaitent les survivants et leurs familles. La toute nouvelle Société des Nations doit concrétiser cet espoir. Mais déjà renaissent les passions nationalistes, alimentées par l'angoisse, la colère, la rancoeur et la crise économique. L'Allemagne ne parvient pas à digérer sa défaite, et encore moins le Traité de Versailles imposé par les vainqueurs. Ni la SDN, ni les mouvements pacifistes ne devinent l'importance du conflit qui couve. Hitler n'aura aucune peine à annexer l'Autriche.
Octobre 1927 : à New York, on projette «Le Chanteur de jazz», le premier film parlant de l'histoire du cinéma. Le 7e art devient définitivement populaire, pour le meilleur et pour le pire. Son pouvoir de séduction, soutenu par des techniques sans cesse perfectionnées, fait de lui un instrument de propagande idéal. En 1945, déjà, les créateurs européens s'inquiètent de la suprématie américaine en matière de production cinématographique. Derrière le pur divertissement se profilent les dangers sournois de la «communication de masse».
Au début des années 20, un certain Taylor met au point une méthode de production obéissant aux seuls impératifs du rendement. Ainsi naît le travail à la chaîne, en 1926, dans les usines automobiles Ford. Cette «révolution» ne transformera pas seulement les conditions de travail des ouvriers - désormais plus pénibles encore -, mais aussi la mentalité de la société tout entière : les citoyens, séduits par le mirage de l'abondance, deviendront producteurs-consommateurs. Aux Etats-Unis comme en France, les syndicats ouvriers se mobiliseront très vite pour améliorer les conditions de travail, mais leurs espoirs ne se concrétiseront que tardivement, au terme d'une longue lutte jalonnée de grèves parfois très dures.
Octobre 1929 : les cours s'effondrent à Wall Street. C'est le début d'une crise mondiale sans précédent. Aux Etats-Unis, des milliers d'entreprises, ruinées en quelques minutes, mettent la clé sous la porte, jetant des millions de chômeurs sur les routes. Bientôt, le cyclone de la Grande Dépression entraîne le monde entier dans sa spirale. Les gouvernements les plus avisés relancent les dépenses publiques et créent de grands chantiers pour endiguer la marée du chômage. Mais en Europe, certaines nations sinistrées, au comble de l'angoisse, ferment leurs oreilles au bon sens et cèdent au charme d'idéologies extrémistes.
Dans les années 30 déjà, certains sports comme le football, en Europe, et le base-ball, aux Etats-Unis, attirent les spectateurs en masse. La coupe du monde de football, organisée en Uruguay en 1930, devient un événement de portée mondiale. Grâce au développement des loisirs et à l'augmentation du niveau de vie, le sport se démocratise. De gigantesques stades sont érigés. Les Jeux olympiques de Berlin, en 1936, sont phagocytés par la politique : Hitler transforme l'événement en une énorme manifestation à la gloire du parti nazi.
Quand Adolf Hitler accède au pouvoir, en janvier 1933, peu de gens prennent ses menaces au sérieux. On pense que ce petit homme falot et prétentieux va échouer ou, tout au moins, mettre de l'eau dans son vin. Pourtant, en quelques mois à peine, le Führer posera les fondements du totalitarisme, engageant petit à petit la bureaucratie allemande, puis l'Allemagne tout entière, dans l'élimination industrielle des Juifs et des «sous-hommes».
1939 : la Seconde Guerre mondiale éclate. La planète entière devient le laboratoire de la mort : partout - car la mobilité des armées permet de multiplier les fronts -, on expérimente de nouvelles techniques de destruction, d'une efficacité cataclysmique. Tandis que l'Amérique met au point l'arme la plus terrifiante de tous les temps - la bombe atomique -, l'Allemagne nazie industrialise la mort et «fabrique» des millions de cadavres dans ses camps de concentration. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la guerre fait plus de victimes civiles que militaires. C'est la «guerre totale», absolue, qui mobilise tous les moyens et n'épargne rien ni personne.
En avril 1945, sur les ruines fumantes de l'Allemagne nazie, les forces de libération américaines et soviétiques se rejoignent. Staline n'enterre pas pour autant ses ambitions expansionnistes, bien au contraire. Très vite, le communisme stalinien s'abat, comme une chape de plomb, sur les pays de l'Est. De leur côté, les Etats-Unis s'efforcent de ranimer l'économie ouest-européenne, notamment par le plan Marshall. Ce geste généreux trahit en fait l'inquiétude de l'Oncle Sam, obsédé par le péril communiste autant que par ses propres valeurs. Commence alors la guerre froide, une guerre avant tout idéologique, qui révélera petit à petit ses dangers et sa profonde, tragique absurdité.
Après la guerre, l'Europe mérite plus que jamais son surnom d'«Ancien Monde» : épuisée, décimée, appauvrie, elle fait plus pitié qu'envie. L'Amérique s'inquiète. D'une part, son économie, manquant de partenaires et surtout de débouchés, risque l'asphyxie. D'autre part, l'Europe désoeuvrée pourrait bien s'offrir tout entière au «démon» communiste. Bref, il faut agir, et vite. En 1947, le fameux plan Marshall commence à exercer ses bienfaits sur l'Europe occidentale. Il répand aussi une certaine vision du bonheur, un idéal de vie qui, en dernière analyse, préfigure moins l'«américanisation» du monde que le triomphe définitif de la société de consommation. Les années 50 et 60 sont marquées par une croissance économique exceptionnelle. En 1957, pleins d'ambition et d'optimisme, six Etats d'Europe de l'Ouest décident d'unir leurs forces. C'est le temps du rêve, du culot, de l'insouciance, mais aussi le temps des illusions.
En 1945, les trois quarts de l'Asie et la totalité de l'Afrique noire et du Maghreb sont encore aux mains des Européens. Pourtant, cette situation va être rapidement remise en question. En effet, des courants nationalistes se manifestent. Leurs chefs - l'Egyptien Nasser, l'Indien Nehru, le Chinois Chou En-laï, l'Indonésien Sukarno, pour ne citer qu'eux - se réunissent à Bandung en 1955. Désormais, l'Europe doit faire face à un mouvement universel. Dans ces conditions, la décolonisation devient non seulement nécessaire, mais inévitable. La Côte-de-l'Or, futur Ghana, arrache la première son indépendance, en 1957. La France ne renonce que très progressivement à ses possessions. La Grande-Bretagne, plus rusée, adopte très vite une politique de retrait, pour proposer à ses anciennes colonies des alliances économiques très fructueuses.
La course aux armements - essentiellement nucléaires - commence avec la guerre froide, à la fin des années 40. Les arsenaux d'armes atomiques s'accroissent de façon permanente et démesurée. Au début des années 60, la France et la Grande-Bretagne font à leur tour leur entrée dans le très fermé «club nucléaire». La fin de cette période de tension et la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, obligent alors les membres du «club» à sortir de cette spirale infernale. A l'exception de l'Inde, tous renoncent, au moins officiellement, aux essais, et entament le démantèlement d'une partie de leurs missiles.
Au début des années 60, en Afrique du Sud comme aux Etats-Unis - deux sociétés dites avancées -, les Noirs sont confrontés à la ségrégation. En Amérique, les choses bougent, lentement mais sûrement. Aux exactions du Ku-Klux-Klan répondent des mouvements de contestation pacifiques mais déterminés, qui pousseront finalement les Etats du Sud, les plus conservateurs, à accorder aux Noirs les droits dont jouissent déjà les Blancs. En Afrique du Sud, la situation est plus cruelle encore puisque l'apartheid est le fondement même de l'organisation sociale. La contestation, sévèrement réprimée, se durcit et se «militarise». Nelson Mandela, le leader de l'ANC, le principal parti d'opposition, est emprisonné. Ce n'est qu'au milieu des années 80 que le gouvernement engagera des négociations avec l'ANC.
C'est en avril 1975, après la démission du président Nguyên Van Thiêu, que les troupes communistes du Nord-Viêtnam entreprirent d'occuper le Sud, alors que les derniers Américains étaient évacués. Grâce à la victoire de la guérilla, la réunification et l'indépendance du Viêtnam devinrent une réalité. Les derniers lambeaux de la présence coloniale furent balayés. Le régime communiste instauré s'avéra cependant l'un des plus durs au monde, bénéficiant de l'appui tant de l'Urss que de la Chine populaire. En 1975, le sentiment qui prévalait à Saigon, devenue Hô-Chi-Minh-Ville, était celui d'un intense soulagement. Le réveil, douloureux, eut lieu plus tard, quand les lendemains eurent déchanté.
1949 : la Chine, ravagée par vingt ans de guerre civile, est exsangue. Elle se donne une bouffée d'espoir en portant au pouvoir Mao Zedong. Celui-ci entreprend de réformer non seulement l'économie nationale mais la société tout entière - redistribution de la moitié des terres arables, émancipation des femmes -, ce qui lui vaut une authentique reconnaissance populaire. Ce «grand bond en avant» a néanmoins son prix : l'instauration de la dictature du Parti. La population est rapidement organisée en «unités de travail» strictement encadrées et contrôlées par le régime. Et le régime - personne ne peut plus l'ignorer - est entre les mains du seul Mao.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la santé publique devient un enjeu majeur en Occident. Parallèlement, les progrès technologiques donnent naissance à des traitements médicaux révolutionnaires, d'une efficacité indéniable. C'est le début d'une formidable course pour la vie, qui ressemble de plus en plus à une véritable quête d'éternité. On se prend à rêver de conditions de vie idéales, objectivement saines, qui prolongeraient indéfiniment l'espérance de vie. Et l'on oublie que, depuis toujours, la régression d'une pathologie est systématiquement contrebalancée par l'émergence de nouveaux risques.
«Mai 68» ne commença pas à Paris, au Quartier latin, mais sur les campus américains, lorsqu'en dépit des déclarations du Pentagone, la guerre du Viêtnam commença à susciter des polémiques. La colère gagna ensuite les Pays-Bas, intégrant au passage revendications sociales et sexuelles. Mais c'est incontestablement en France, en Allemagne et en Italie - trois sociétés aussi opulentes que conservatrices - que la fureur de la jeunesse prit les proportions les plus menaçantes. Réputée paisible, la France allait basculer en quelques jours, et pour plusieurs semaines, dans la «chienlit». Si la révolte proprement dite fut relativement brève, ses conséquences allaient s'avérer durables et, plus encore, irréversibles.
Née avant guerre, la télévision - on l'appelait alors «radiovision» - a mûri une douzaine d'années avant de partir à la conquête des foyers. Premier événement diffusé en Eurovision, le couronnement d'Elisabeth II, en février 1952, fit une énorme publicité au nouveau média. Aux Etats-Unis, la télévision, d'emblée financée par les annonceurs, devint rapidement un formidable enjeu économique. La séduction spontanée et superficielle des images ne tarda pas à éveiller l'intérêt des politiciens américains et des experts en relations publiques. A l'Est, la télévision fut récupérée non moins promptement par les pouvoirs politiques centraux et les services de propagande.
En 1960, en dehors de quelques îlots progressistes, les femmes ne sont pas encore considérées comme des individus à part entière ; on n'imagine généralement pas qu'elles puissent s'épanouir hors du cadre familial. En France, en 1967, la loi Neuwirth provoque un mini-séisme en légalisant la contraception. C'est le début de la «révolution sexuelle» et, plus largement, de la reconnaissance du droit des femmes à disposer d'elles-mêmes. Les années 70 se placent d'emblée sous le signe de la révolte. Les femmes veulent désormais choisir leur destin, et elles le font savoir, aux Etats-Unis d'abord, puis en France, en Allemagne et en Italie. En 1974, en France, la question de l'avortement suscite un débat particulièrement violent.
La première faille durable dans le bloc communiste fut la création et le développement du syndicat chrétien Solidarité, en Pologne, à l'aube des années 80. La terrible répression qui s'ensuivit ne put venir à bout des espérances démocratiques. Il est vrai que le régime de Jaruzelski avait un rival de taille en la personne du pape Jean-Paul II, très populaire dans son pays natal. L'exemple de Solidarité rendit espoir et courage à tous les peuples de l'Europe orientale ; pourtant, la chute soudaine du mur de Berlin, fin 1989, surprit le monde entier. En fort peu de temps, et généralement en douceur, la moitié de l'Europe accéda à la démocratie. Moins étonnantes furent la victoire du dogme capitaliste et ses conséquences sociales.
Le vieux fantasme de domination de l'homme est-il parvenu à son paroxysme ? L'état de dégradation de la planète pourrait le laisser croire. Les activités humaines, souvent banales mais démultipliées par les comportements de masse, contribuent à mettre en péril l'équilibre délicat de la nature. Les pollutions accidentelles et ponctuelles, telles les marées noires, sont très médiatisées, mais cachent souvent des pollutions bien plus préoccupantes, que l'on évoque rarement, comme les rejets radioactifs ou chimiques. Seule une remise en cause globale de la place de l'homme au sein de son environnement pourrait remédier au désastre. Les actions menées par les associations écologistes, si elles sont nécessaires, n'en font pas moins figure de pis-aller.
A partir de 1950, le Japon amorce un redressement économique spectaculaire, dont il recueillera les premiers fruits dans les années 60. C'est la naissance de ce que l'on appellera plus tard le modèle économique asiatique. Peu après, la Corée du Sud, que beaucoup croyaient au bord du gouffre, relève la tête à son tour. Ayant pris les rênes du pouvoir en 1961, le général Park impose une politique de redressement des plus hardies. A sa mort, en 1981, l'économie nationale affiche une santé de fer et un moral inébranlable. Comme le Japon, la Corée du Sud estime à présent qu'elle n'a plus de leçons à recevoir de quiconque, et surtout pas de l'Occident.
Mustafa Kemal fut le premier à imposer la laïcité dans un Etat musulman. Il inspira d'autres pays, comme l'Egypte et l'Iran. Mais la révolution de 1979 et la fuite du shah firent tomber l'Iran sous la coupe des ayatollahs. Depuis, on assiste à un retour en force des traditions religieuses dans bon nombre de pays musulmans. Retour masquant parfois une altération des valeurs coraniques.
Le XXe siècle s'achève sur une impression d'accélération tous azimuts. En l'espace de vingt ans, le monde s'est considérablement modifié, surtout dans l'ancien bloc communiste. Les nouvelles technologies induisent des changements décisifs sur la planète entière. Les échanges commerciaux ne se limitent plus à quelques pays, les marchés sont désormais mondiaux, la concurrence poussant les entreprises à délocaliser leurs usines, provoquant un chômage massif. On appelle ce processus la «mondialisation». Cependant, les avancées dont bénéficient les uns ne signifient qu'oppression et souffrances accrues pour les autres.