Brahim, chauffeur de car, assiste dans les Aurès, le 1er novembre 1954, à l’assassinat de deux passagers. Cet attentat, signé par le FLN, compte parmi les dizaines qui éclatent ce jour-là sur tout le territoire algérien. Il marque le début de la guerre de libération. Installée depuis 1830 en Algérie, la France coloniale est restée sourde aux alertes. Après le "Manifeste du peuple algérien" de Ferhat Abbas publié en 1943, et malgré les massacres des environs de Sétif et Guelma en 1945, cette dernière ignore encore qu’elle est condamnée, se berçant de l’illusion que "la Méditerranée traverse la France comme la Seine, Paris". Entre richesse de la plaine de la Mitidja et misère de l’immense majorité de la population, entre discriminations et insouciance, l’histoire de chacun ne paraît pas raconter le même pays.
Deuxième volet : pour répondre à la révolte qui gronde sur le territoire algérien, la France veut réagir vite et fort. Elle se lance dans des opérations de répression sans précédent et engage le contingent dans la guerre. Exécutions sommaires, tortures, rafles, déplacements de populations… : au nom de la "pacification", la France réprime violemment la révolte en Algérie, galvanisant plus encore le combat indépendantiste. Après l’attaque de villages coloniaux en août 1955 qui cause 120 morts, les massacres de quelque 10 000 civils algériens attisent le feu de l’insurrection. Tandis que Camus appelle en vain à une trêve, le Parlement vote au gouvernement de Guy Mollet les pouvoirs spéciaux et permet la mobilisation du contingent. Rivalisant avec le MNA (Mouvement national algérien) de Messali Hadj, le FLN (Front de libération nationale), clandestin, fédère de plus en plus en Algérie comme en métropole. Il organise son premier congrès en août 1956.
La répression ne suffit pas. La France tente de "conquérir les âmes et les cœurs" en confiant des missions sociales aux SAS (sections administratives spécialisées). Côté indépendantiste algérien, l’ALN (Armée de libération nationale) recourt à la guérilla et au terrorisme pour affronter l’armée française, l’une des plus puissantes du monde. Prête à tout pour briser la révolution qui s’organise, celle-ci adopte des moyens de lutte illégaux que certains généraux légitiment pourtant, en particulier la torture – "gégène" et "baignoire". Pour s’imposer comme unique représentant du peuple algérien, le FLN et le MNA se livrent à une lutte fratricide. La communauté internationale, qui s’émeut du bombardement du village frontalier de Sakiet Sidi Youssef en Tunisie, soutient de plus en plus la voie de l’indépendance. La France est fragilisée et la IVe République vacille.
Quatrième volet : de retour au pouvoir, Charles de Gaulle, accueilli en homme providentiel par les partisans de l’Algérie française, lance à Alger son fameux et ambigu "Je vous ai compris !". La Ve République est proclamée par un président qui veut moderniser l’Algérie tandis que le FLN crée un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Il ouvre aussi un second front en métropole et refuse la "paix des braves" proposée par de Gaulle. Sous le commandement du général Challe, l’armée française asphyxie l’ALN au prix du déplacement forcé d’un quart de la population algérienne dans des camps de regroupement dont les conditions de vie sont dénoncées, notamment par Michel Rocard. Zones interdites, ratissage, recours au napalm… : si la victoire militaire française se dessine, elle a conduit à de nombreux renoncements. Fin 1959, le calme semble revenir. Pour combien de temps ?
Cinquième épisode : tandis que l’armée française maintient la pression, de Gaulle décide de laisser aux Algériens le choix de leur destin – une proposition qui sera soumise à référendum. Mais à Alger, des ultras de l’Algérie française, s’estimant trahis, se révoltent. Ils organisent des manifestations. Cette "semaine des barricades" s’avère sanglante. La guerre tourne au conflit entre Français. Les premières négociations du gouvernement gaulliste avec le GPRA sont dans l’impasse. En métropole, la société change : artistes, intellectuels, militants et étudiants dénoncent une guerre absurde et manifestent dans les rues. Quelques réseaux de soutien au FLN – les "porteurs de valises" – voient le jour. Le 8 janvier 1961, l’adoption du projet d’autodétermination de l'Algérie ouvre la voie à l’indépendance.
Dernier épisode : la victoire du "oui" au référendum exaspère une partie de l’armée et des Français d’Algérie. Les partisans les plus radicaux de l’Algérie française fondent l’OAS (Organisation Armée Secrète), qui multiplie les attentats et se renforce après l’échec du putsch d’Alger en avril 1961. La population algérienne reste mobilisée pour l’indépendance mais de Gaulle refuse de céder sur le Sahara, riche en gaz et en pétrole, récent théâtre des premiers essais nucléaires français. À Paris, la marche pacifique du 17 octobre 1961 vire au massacre. À la suite des négociations entre la France et le GPRA, qui se concluent par les accords d’Évian, le cessez-le-feu entre en vigueur le 19 mars 1962. Français d’Algérie, militaires et harkis quittent le territoire – pour beaucoup dans la précipitation. En juillet, sur fond de fractures au sein du FLN, l’indépendance de l’Algérie est proclamée. Une nouvelle histoire commence…