Alors qu’elles n’occupent que 2 % de la surface du globe, les villes abritent plus de 50 % de la population et représentent 75 % de la consommation énergétique mondiale. Des cités futuristes, vertes et hyperconnectées, voient ainsi le jour. King Abdullah Economic City (Arabie saoudite), Tianjin Eco-city (Chine), Songdo (Corée du Sud)… : créées de toutes pièces et financées par le biais de partenariats public-privé, ces villes pilotes, qui privilégient les espaces verts et les équipements écologiques, se dotent des dernières innovations en matière de technologies de l’information et de la communication pour optimiser leurs réseaux (de transports, énergétiques, etc.). À Songdo, première cité ubiquitaire du monde, des capteurs transmettent les données personnelles des citadins à un ordinateur central, dans le but de simplifier leur vie (une carte unique permet de payer ses achats, de pénétrer dans son immeuble, d’accéder à sa consommation énergétique et à celle de ses voisins…). Mais si certains souhaitent ériger ces laboratoires du futur en modèle urbain, d’autres, à l’inverse, n’y voient que des vitrines technologiques sans âme, au centre d’un business juteux.
À l’heure où les ressources énergétiques traditionnelles s’amenuisent, des villes comme Hambourg ou Paris parient sur les smart grids ou réseaux intelligents, qui permettent d’analyser la consommation des foyers en temps réel et d’ajuster la production. Optimiser les déplacements des piétons et des voitures fait également partie des priorités des grandes villes, toujours plus congestionnées. Alors que des systèmes de vélos ou de voitures électriques en libre-service sont progressivement mis en place à travers le monde, des métropoles comme Londres ont recours à la numérisation pour fluidifier le trafic. En modélisant les croisements des passants du carrefour d’Oxford Circus, un ingénieur informatique a ouvert la voie à un remaniement des voies piétonnes. Poussant la logique encore plus loin, les smart communities de Shanghai numérisent la vie des citadins, de leurs achats à leurs examens médicaux en passant par leurs activités bénévoles. Des économistes renommés tels que Jeremy Rifkin, penseur de "l’internet de l’énergie", et des urbanistes contestataires comme Adam Greenfield, s’affrontent autour de ces nouvelles perspectives : hyperrationnelles, 100 % durables et parfaitement sûres, les cités "intelligentes" permettent de fluidifier l’ensemble des secteurs de la vie urbaine, tout en réveillant la peur du cauchemar orwellien.
Sur les toits de New York et de Montréal, des "ageekculteurs" mêlent nouvelles technologies et agriculture pour produire, en pleine ville, des légumes frais et sans pesticides. À Singapour, on économise l’espace, ressource aujourd’hui raréfiée, en érigeant des tours agricoles de dix mètres de haut. Aux Pays-Bas, des diodes électroluminescentes (LED) dernier cri veillent sur les cultures urbaines en remplaçant les rayons du soleil en hiver. Si aucun gratte-ciel agricole n’est sorti de terre, les technologies qui le permettent existent déjà. Des projets fleurissent ainsi à travers le monde, dont le gigantisme ne fait pas toujours l’unanimité. Certains craignent par ailleurs la voracité de l’industrie agroalimentaire, qui pourrait dévoyer le rêve de Dickson Despommier. De jeunes architectes réagissent et s’approprient les principes fondateurs des fermes verticales dans l’optique de convertir les villes de demain en écosystèmes autonomes.