Dans cette « fantaisie dramatique », Jean Renoir filme avec humour et sans fard l'aristocratie française de province. Des châtelains aux domestiques et de bal masqué en partie de chasse, un petit monde se grise de mensonges, de faux bonheurs et d'amours en trompe-l'il, au point de maquiller un meurtre en accident. Pas de vrais méchants ni de vrais gentils, dans ce film qui casse les codes de la narration et multiplie les audaces techniques. Haï ou incompris à sa sortie, le film est considéré aujourd'hui comme un des chefs-d'uvre du cinéma mondial. A la veille de la Seconde Guerre mondiale et sur fond d'antisémitisme, « La Règle du jeu » est le portrait cruel d'un monde en voie de disparition, de la déliquescence d'une certaine élite française, frivole, et inconsciente de la montée des périls. «Ce qui est intéressant, explique Renoir, c'est le moment où je l'ai tourné, entre Munich et la guerre, très troublé au fond de moi par l'état d'esprit d'une partie de la société française. » Un état d'esprit qui va mener à la défaite, à la victoire allemande et au régime de Vichy. Fils du peintre impressionniste Auguste Renoir, Jean Renoir (1894-1979) est une des grandes figures emblématiques du cinéma français, adulée par les hérauts de la Nouvelle Vague. Marqué par le Front populaire, l'auteur inoubliable de La grande illusion et de La bête humaine exauce dans La règle du jeu l'un de ses vieux rêves, qui est de faire l'acteur. Face à l'échec du film, il part tourner en Italie puis aux Etats Unis où il prendra la nationalité américaine.