Le réalisateur de Maléfique poursuit ici bon gré mal gré son incursion du fantastique dans un quotidien aux traits franchouillards. Etrange, la sensation l'est un peu forcément puisque comme dans son long métrage, le cinéaste évite de trop s'épancher dans une surenchère hollywoodienne et fait de son film de fantôme un chaînon manquant entre petit film d'auteur champêtre avec ses prénoms hexagonaux et film de frisson façon Les Autres avec ses glaciales apparitions immobiles. Corps étranger confirme finalement ce que Maléfique laissait joyeusement suggérer : il est aisé, mais inhabituel pour le public ciblé, de s'atteler au cinéma de genre sans plagier les américains. A qualités équivalentes, défauts équivalents puisque tout comme dans son long métrage, Valette use d'un twist un peu facile pour conclure, mais rend pourtant salutaire une malice qui évite tambour et trompettes, malgré ses évidents emprunts à David Fincher. Une bonne occasion également de découvrir Claude Perron (Enfermés dehors) dans un nouveau registre.
Sans doute plein de bonnes intentions, le cinéphile Doug Headline avait pourtant offert à son public un machin imbuvable : Brocéliande, sorte de mix entre Sous le soleil et Le Seigneur des anneaux augurant le pire pour sa carrière à venir. Bonne nouvelle, son court métrage est nettement moins mauvais (comment aurait-il pu en être autrement), mais trouve encore certaines difficulté pour élever ce qui est de toute évidence une démonstrative déclaration d'amour au cinéma d'horreur italien, mais trop vite oubliable. Cette charmante autobiographie fantasmée du journaliste qui va à la rencontre de son idole reste bien singulière des conversations dithyrambiques qui devaient régner entre ce dernier et Christophe Gans lorsqu'ils se croisaient à la rédaction de Starfix.La faute à un rythme plan-plan et une interprétation monologue de l'acteur principal - "Ouvrons cette porte !"- qui ferait passer Tintin pour une tombe. Dommage, les décors offraient une ambiance intéressante à l'entreprise.
Capable du correct avec La Sirène rouge, du moyen avec Exit comme de l'ignoble avec un clip de Tragedy à son actif, Olivier Megaton ne cherche surtout ici qu'à se faire plaisir. En épurant au maximum une intrigue lorgnant sur les carences affectives maternelles compensées par un besoin matériel des plus excessifs, le réalisateur mise tout sur l'esthétique de son film. Un profit pour une ambiance, pas toujours convaincante mais pourtant souvent euphorisante au détriment du frisson pur attendu. Aucun doute là-dessus, c'est beau ! Les focales les plus extravagantes parfois collées au plus près du visage d'Hélène de Fougerolles (elle-même assez bonne dans son personnage torturé) dépeignent un automne aussi gracieux que refroidissant, mais aucun des plans n'est inutile. Et si certains le sont, ils ne gênent vraiment pas. En revanche il oublie de rendre plus viscéral son bizarroïde triangle amoureux entre une jeune femme, un homme et leur maison, et son expéditif final rappelant Amytiville laisse de marbre. Le cinéma contemplatif, c'est bien, mais lui offrir un rythme, c'est mieux.
Si l'on ne devait en retenir qu'un (quoique c'est un peu le cas), c'est assurément celui-ci. Encore un peu trop discrètement caché derrière quelques courts, Gens - stagiaire chez Ringo Lam et Tsui Hark, un CV pas donné à tout le monde - semble rapidement avoir tout compris du cinéma de genre avec ses ficelles, ses qualités, son rythme et même ses petites incohérences dont il use avec malice. Et nous, on prend un plaisir fou. Parce qu'il condense en 30 minutes avec succès un mélange de genres constamment aguichant sans jamais sombrer dans un traitement vulgaire. Une histoire de fantômes comme les affectionne plus particulièrement Hollywood depuis quelques années, à la croisée des chemins du thriller d'intrusion familiale, du polar faussement infantile, de la terreur (parce que part moment, ça fout vraiment les jetons) et tout simplement du film d'action. Le tout absorbé aussi simplement qu'un claquement de doigts. On pourrait encore creuser dans les qualités de l'entreprise comme l'interprétation d'une Zoé Felix qui flirte peu à peu avec la Dee Wallace de Fantômes contre fantômes, ou comme son violent final, alors qu'il serait tellement plus simple de dire que si le cinéma de genre français veut conserver de beaux restes, il devrait immédiatement s'intéresser à ce jeune réalisateur. Pour nous en tout cas, c'est gagné !
Sans être la meilleure démonstration du disque - puisqu'il s'agit de Fotographik - cette première réalisation filmée de Samuel Le Bihan demeure pourtant la plus surprenante du lot. Surprenante parce que le comédien/réalisateur ne triche ni avec son format, ni avec le genre et croise habilement leurs ficelles respectives pour reproduire dans un ton bien français l'esprit caustique et mystérieux des EC Comics. Le tout aidé par une bande son, des décors et des personnages aux traits caricaturaux de bande dessinée mais ô combien indispensables de ce type d'histoire : les cupides, profiteurs, frimeurs exhibant leur semblant de malice (campé par un amusant Gerald Laroche, déjà vu dans Maléfique) face à la sournoise timidité des autres (le reste du casting) qui cache forcément quelque chose de plus grave que la bêtise latente des habitants de Sable Noir. Pas vraiment original pour qui est habitué à ce type de programme, mais avec son histoire de louis d'or qui piège les gogos de passage, Samuel Le Bihan divertit avec un vrai sens du burlesque.
Quel dommage de boucler cette série de courts-métrages avec ce dernier module loin d'être emballant en l'état, et bien plus encore lorsqu'il est proposé après quelque chose de frais. Harry Cleven, à qui l'on doit Trouble avec Benoît Magimel, continue sur la droite lancée de l'invraisemblable jumelage, sans chercher à offrir un sens quelconque à une mise en image abyssale très rapidement tape-à-l'oeil. C'est une bonne chose d'amorcer un univers étrange en quelques secondes, mais encore faut-il constamment transformer l'essai sur les 20 minutes qui suivent. Le non-sens volontaire pour illustrer la schizophrénie pourraient entre de bonnes mains faire avaler une énorme couleuvre aux spectateurs, mais n'est définitivement pas David Lynch qui veut...Alors on s'ennuie.