Premier épisode de la série J'ai vu changer la Terre, Vietnam, la colère de la mousson suit Lien Tran Thi Kim, une jeune agronome et sylvicultrice, dans son combat quotidien pour la sauvegarde de son environnement. A Quang Binh, province du centre du Vietnam, les typhons et les inondations sont chaque année plus fréquents, plus violents, provoquant des dommages et des pertes considérables. Les populations pauvres, dont les moyens de subsistance dépendent de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture, sont frappées de plein fouet par les bouleversements climatiques. Champs inondés, maisons dévastées, manque d'eau potable, maladies… autant d'épreuves que doivent affronter les Vietnamiens chaque année. Facteur aggravant : le pays, à l'origine riche d'une biodiversité exemplaire, a peu à peu entamé son couvert végétal afin de permettre à une population grandissante de survivre. Pour produire davantage et compter sur la scène économique internationale, il s'est ainsi privé d'un de ses principaux moyens de protection contre les ravages dus aux fortes pluies. Les forêts ont été sacrifiées. Conséquence : non seulement il pleut de plus en plus mais, paradoxalement, les périodes de sécheresse sont aussi plus importantes.
Le deuxième volet de cette série documentaire consacrée au changement climatique s'intéresse aux initiatives locales menées dans l'Etat de Washington. Agriculteurs, apiculteurs, chasseurs… ont pris les choses en main et trouvé des solutions pour s'adapter à une planète en pleine mutation. Les Etats-Unis détiennent un bien triste record : celui du plus grand pollueur des pays développés, avec le rejet d'un quart des émissions totales des gaz à effet de serre. La politique menée par le pays de l'Oncle Sam — qui, à ce jour, refuse toujours de ratifier le protocole de Kyoto — a contraint ses citoyens à prendre les choses en main. Exemple avec les habitants de l'archipel de San Juan. Dans ce petit paradis à la faune préservée de l'Etat de Washington, les effets du réchauffement climatique se font déjà sentir. Au grand désespoir des touristes, les orques sont de moins en moins nombreux à migrer dans le détroit. En cause : le saumon qui se fait rare. Sur l'île, Colleen — maraîchère, apicultrice et éleveuse de moutons — a bien du mal à faire pousser ses produits bio. Les bourgeons comme les abeilles peinent à sortir. La faute au printemps qui se fait attendre. Et Colleen s'inquiète : « Les fruits représentent un tiers de mes revenus. »
Direction Valence, province espagnole où le réchauffement climatique menace une agriculture millénaire. Confrontés au dépérissement de leurs vergers d'agrumes, certains cultivateurs de Catral, une bourgade près d'Alicante, ne se résignent pourtant pas à la désertification de leur région. Sols craquelés, canaux et réservoirs d'eau asséchés : c'est le triste spectacle qu'offre désormais Catral, une ville valencienne jadis fertile que les Romains, puis les Arabes ont dotée d'un ingénieux système d'irrigation. « Quand tu vois ce champ qui était couvert d'arbres, de grands arbres couverts d'oranges et quand tu vois que, chaque année, ils sèchent et dépérissent… à la fin, tu te dis : "Que vienne une machine pour tout arracher." Moi, je ne veux plus voir ça ! » explique Antonio Niguez en désignant son orangeraie. Comme lui, de nombreux agriculteurs de la région subissent les conséquences désastreuses du réchauffement climatique. Ici, même la pluie peut être un ennemi redoutable, car les précipitations, lorsqu'elles sont faibles, font remonter à la surface le sel contenu dans le sol. Le père d'Antonio, un agriculteur aguerri, met en garde contre ce poison qui rend les terres incultivables et intoxique les nappes phréatiques : « Il vaut mieux que les feuilles tombent par manque d'eau plutôt que d'irriguer avec de l'eau salée. »
Dans le Grand Nord canadien, le réchauffement climatique bouleverse le mode de vie de quelque 10 000 Inuits. Simon Watel est parti dans un petit village de la région du Nunavik à la rencontre de ce peuple de chasseurs, qui suit le rythme des saisons et dépend de son environnement. L'été ne s'est pas encore installé dans le Grand Nord canadien que la banquise commence déjà à se disloquer. La chasse devient alors une activité risquée dans la région du Nunavik, où le réalisateur Simon Watel s'est rendu. Descendant prudemment de leurs motoneiges, les Inuits testent la glace avant de s'y aventurer, de peur qu'elle ne se brise sous leur poids. « Les Inuits ont toujours été dépendants de ce qu'ils trouvent dans la nature : des phoques, du poisson, des perdrix, des oies. Nous chassons pour vivre, on ne peut pas changer ça », affirme Ulaayu, une enseignante du village de Kangiqsujuaq qui tente de transmettre aux nouvelles générations les traditions de son peuple. Mais, contrairement à leurs aînés, les jeunes ne semblent pas prendre la mesure des bouleversements qui les guettent. « Je ne suis pas inquiet. Je suis même content car il va faire plus chaud. On aura plus d'été et moins d'hiver. Je m'inquiète simplement des effets sur les chemins qu'on prend pour aller camper. Si la fonte des glaces s'accélère, il faudra changer nos habitudes », déclare, avec insouciance, Joseph, un élève du secondaire. Allongée dans la neige, Ulaayu fait un trou dans la glace pour pêcher, comme le veut la tradition. « Avant, quand le temps était sec, les basses températures ne nous gênaient pas. Mais, aujourd'hui, cette humidité fait qu'au contact de la neige nos vêtements sont mouillés et nous avons très vite froid », explique-t-elle avec nostalgie. Les Inuits, qui subissent l'hostilité grandissante du climat, sont également confrontés à la pollution au mercure de leur environnement. Poussé depuis les zones industrielles vers l'Arctiqu
Lieu de rencontres et d'échanges multiséculaires entre éleveurs nomades, agriculteurs et pêcheurs, la région du lac Faguibine a été frappée de plein fouet par les grandes sécheresses des années 70. Conséquence directe du changement climatique, ces dernières ont transformé l'ancien eldorado en une terre de désolation et forcé la population à l'exode. Dans le Sahel, le climat a toujours été incertain. Les précipitations trop faibles et aléatoires représentent un souci permanent pour les populations locales. Au début des années 70, une terrible sécheresse s'abat sur la région. A l'époque, personne ne relie l'événement, dramatique au niveau humain, au réchauffement de la planète. Depuis des temps immémoriaux, les Touaregs, éleveurs nomades, occupent les terres arides du nord du Mali. Ils cohabitent, aux portes du désert, avec des pêcheurs et des agriculteurs installés sur les rives du lac Faguibine, alimenté grâce à un labyrinthe de chenaux par le fleuve Niger. Véritable miracle de la nature, ce vaste plan d'eau s'étend alors sur 590 kilomètres carrés.
Les Pays-Bas comptent parmi les premières victimes de l'élévation du niveau de la mer, une des conséquences du réchauffement climatique. Natacha Calestrémé a réalisé ce nouvel épisode de la série documentaire J'ai vu changer la Terre dans plusieurs polders néerlandais. Au grand dam de leurs habitants, ces anciens marécages asséchés doivent être inondés dès 2010 afin de réduire la pression des fleuves. Comme de nombreux habitants de Noordwaard, un polder au sud-est de Rotterdam, Tjerk de Regt doit quitter sa propriété cette année. « Dans un futur proche, toutes ces terres seront inondées afin de libérer les fleuves de leur pression. C'est un sentiment un peu bizarre de travailler ici pour la dernière fois. C'est un terrain si beau et si fertile », explique le jeune agriculteur, le regard empreint d'émotion. Le plan Delta qu'évoque Tjerk vise à sacrifier Noordwaard et quarante autres anciens marécages asséchés afin de préserver les régions les plus urbanisées d'inondations dévastatrices.
Dans le décor majestueux des hauteurs boliviennes se joue une catastrophe climatique et humaine. Dans la région de La Paz, le manque d'eau menace 2 millions de personnes. Mais, pour Gerarda Moralès, Indienne aymara, il est encore temps d'agir. Les experts sont formels : les glaciers comme le Chacaltaya ou le Zongo fondent à vue d'œil. 80 % des sommets glacés de taille similaire auront disparu d'ici à la fin du siècle. Aujourd'hui, ils laissent échapper une précieuse réserve d'eau qui, faute de moyens, n'est pas exploitée. Et demain, c'est une sécheresse qui s'annonce. Une équation apparemment insoluble que doit résoudre la Bolivie, qui porte la triste étiquette de pays le plus pauvre d'Amérique du Sud. Première conséquence : l'exode rural des populations vivant sur des hauts plateaux de plus en plus arides et difficiles à cultiver. Celles-ci viennent grossir El Alto, autrefois quartier populaire devenu une ville de 1 million d'habitants qui connaît une croissance démographique de 5 % par an. L'accès à l'eau et son gaspillage, dû aux installations vétustes, constituent des problèmes majeurs.
L'Australie subit depuis cinq années consécutives une sécheresse sans précédent, partie pour s'intensifier, selon les climatologues qui l'attribuent au réchauffement climatique. Ce continent en majorité désertique, dont 4 % seulement des terres sont arables, a les plus faibles ressources en eau de la planète. L'activité agricole, qui est une des fiertés des Australiens (le pays est le 4e exportateur mondial de blé), consomme 70 % des ressources en eau du territoire.
Sous l'effet du changement climatique, le Nil menace d'inonder les terres alentour et de saturer les sols en sel. Avec l'aide de spécialistes, les cultivateurs et les pêcheurs tentent de s'adapter en trouvant des solutions, parfois surprenantes. Comme de nombreux pays, l'Egypte est touchée de plein fouet par le changement climatique. Tous les spécialistes de la région du delta s'accordent à dire que les conséquences de ces bouleversements se font déjà sentir : tempêtes de sable, vagues de chaleur, affaissement des sols... Et même Hâpy, le dieu du Nil, ne peut rien y faire. Le phénomène est à la fois simple et implacable. La hausse des températures favorise l'évaporation de la mer, qui, de plus en plus concentrée, déverse dans les sols le sel en excès. Devenues impropres à la culture, les terres salines font le malheur des petits agriculteurs égyptiens. Contraints de s'adapter, les fellahs refusent d'endosser le rôle de victimes et tentent de résister contre ce que certains appellent encore la fatalité.
La température de l'eau et des sols augmente deux fois plus vite qu'ailleurs ; de nouvelles espèces d'insectes apparaissent et menacent la production de riz. Celui-ci reste réputé pour sa pureté, mais sa qualité est en baisse. Katsuo Sasaki, riziculteur dans la province de Miyagi, s'implique pour préserver sa terre. Il milite au sein de son association pour une agriculture responsable, une agriculture bio.
Les abeilles de Ianis Kosifas, apiculteur et montagnard de la commune de Zacharo, au sud de la Grèce, produisaient un miel de forêt dont il était très fier. Un gigantesque incendie, devenu incontrôlable à cause d'un vent très violent, a ravagé le Péloponnèse en août 2007. Il a fait perdre à Ianis et à sa famille tout son cheptel, une centaine de milliers d'abeilles. Aujourd'hui, patiemment, il cherche à le reconstituer. Mais ses abeilles ne butinent que fleurs et buissons et seuls des arbres calcinés sont visibles aux alentours. La végétation de la région, notamment les grands pins d'Alep, mettra plus de temps encore à renaître.
Avril 2010. La Mongolie a du mal à s'extirper d'un hiver particulièrement rude qui n'en finit pas. Les habitants appellent cela un «dzüd» : le thermomètre descend à -60°C. Hommes et bêtes souffrent tant que les plus faibles périssent. Ce printemps, le pays tout entier est endeuillé : cinq millions de têtes de bétail sont mortes. Et 16 000 familles ont tout perdu. Marush, 70 ans, témoigne. Comme à chaque printemps, elle entame un périple qui la mène de campement en campement, rendre visite à chacun de ses enfants. Elle prend des nouvelles de leur cheptel et distribue ses consignes de matriarche respectée. Mais les difficultés que rencontre aujourd'hui Marush la dépassent : en effet, depuis une dizaine d'années, un dérèglement climatique sans précédent s'abat sur la Mongolie.
Fils de fermier, Ruben habite le Caprivi, une bande de terre du Nord-Est de la Namibie. Il a toujours vécu au rythme des inondations saisonnières des rivières. Mais depuis plusieurs années, avec le changement climatique, la région connaît des crues dévastatrices, les pires jamais enregistrées. Cette année ne déroge pas à la règle, et le gouvernement organise l'évacuation des villages touchés. Les conditions précaires des réfugiés affectent Ruben, qui réfléchit aux solutions à apporter. Pour lui, comme pour tous ceux qui vivent d'une agriculture de subsistance, la situation est critique. Ruben pense qu'il faudrait déplacer le village. La décision est d'autant plus cruciale qu'une nouvelle crue est annoncée. Mais une partie des habitants est réticente car les meilleures terres se trouvent au bord du fleuve.
Dans le Nord de la Norvège, au-delà du cercle polaire, les Samis élèvent des rennes de génération en génération. Mais le changement climatique a irrémédiablement bouleversé le mode de vie de ce peuple autochtone, autrefois nomade. Aujourd'hui, les Samis ne sont plus que 10% à tirer leur principal revenu de cette activité. En effet, depuis 1990, les éleveurs de rennes estiment avoir perdu près de 90% de leur cheptel. Beaucoup ont abandonné l'élevage et sont partis en ville. D'autres, comme Mathis Oskal et son fils Ante Biera, ont décidé de se battre et de maintenir coûte que coûte la tradition. Ce document suit le travail de Mathis et Ante Biera, partageant leurs doutes et leurs espoirs, ainsi que ceux de toute la communauté sami.
Le golfe d'Oman est ravagé en 2007 par le cyclone Gonu, premier de mémoire d'homme à le dévaster. Père de quatre enfants, Thalib a 40 ans et vit à Quriyat, un village situé sur la côte nord-est du sultanat d'Oman. Issu d'une grande famille de pêcheurs, il exerce son métier depuis plus de vingt ans. Mais depuis le passage de Gonu, la région en subit encore les conséquences et Thalib est directement concerné : les poissons autrefois abondants ont déserté les zones de pêche. Devant ces transformations, le sultanat a renforcé ses programmes de recherche qui pointent comme responsable le changement climatique.
Dans l'Himalaya, la température augmente en moyenne dix fois plus vite que dans le reste du monde. Les glaciers fondent et entraînent l'expansion des lacs situés en aval. Ce phénomène, que l'on appelle «la débâcle glaciaire», a des conséquences dramatiques sur les populations. Les guides de montagne du Népal sont les témoins privilégiés du changement climatique. Depuis près de deux décennies, la modification des routes traditionnelles de trek rendent difficiles leur activité, et la météo, devenue imprévisible, a fait baisser les rendements de l'agriculture et l'élevage. Résultat : de nombreux Népalais souffrent de la faim et doivent s'exiler vers les villes.
La Jordanie a le triste privilège de figurer au quatrième rang mondial des pays les plus pauvres en eau de la planète. La raréfaction des précipitations, l'augmentation des températures et le niveau historiquement faible des barrages ont contraint le gouvernement jordanien à baisser ses allocations en eau. Face aux nouveaux quotas d'eau imposés par le gouvernement, certains n'entendent pas baisser les bras. Pour les 30 000 agriculteurs de la vallée du Jourdain, cette nouvelle politique est mal comprise. Leurs témoignages nous permettent de découvrir l'âpre réalité de fermiers, qui réussissent à faire fleurir leurs vergers malgré une eau qui se fait chaque jour plus rare et précieuse.
Pascal Payot est éleveur de chèvres dans la région de Chamonix, au pied du mont Blanc. Son métier dépend, été comme hiver, des conditions météorologiques. Or, depuis quelques années, l'inversion des précipitations et l'instabilité des températures rendent son activité fragile et son avenir incertain. Les effets du changement climatique dans les Alpes sont trois fois supérieurs à la moyenne mondiale. Ils s'exercent dans une zone densément peuplée et sur près de 200 000 kilomètres carrés. Par ailleurs, depuis la nuit des temps, les Alpes jouent un rôle fondamental : ces montagnes sont en effet considérées comme le château d'eau de l'Europe.
A mille kilomètres au nord de Paris, au coeur de l'Europe, l'archipel allemand des Halligen, situé non loin de la frontière avec le Danemark, donnera peut-être au Vieux Continent ses premiers réfugiés climatiques. La famille Hartwig habite sur une de ces îles, Nordstrandischmoor, sur un terrain acquis par ses ancêtres il y a 300 ans. Les Hartwig vivent de l'élevage des moutons et du tourisme. L'île est reliée au continent par une simple voie de chemin de fer. Avec le changement climatique, le rail et les prairies sont parfois engloutis. Ne restent que les maisons sur pilotis. En vingt ans, le niveau de la mer a augmenté de plus de cinquante centimètres. Et l'archipel essuie des tempêtes toujours plus fréquentes et violentes.
Marlene Rêgo Rocha est née et a grandi dans le village de Igarapé do Costa, non loin de la ville de Santarem, au Brésil. En compagnie de près de 80 familles, elle vit le long du fleuve Amazone. A 51 ans, elle travaille pour le gouvernement local comme infirmière. Elle connaît tous les villageois, qu'elle soigne régulièrement. Comme tous les membres de sa famille, elle cultive la terre et possède quelques têtes de bétail. Les temps sont durs pour Marlene. Avec l'augmentation des précipitations, celle des températures et la baisse des capacités d'absorption du sol, liée à la déforestation de l'Amazonie, les tempêtes et les inondations se font de plus en plus violentes.